Simple et juste : l'efficacité en corps
Chorégraphe, directeur artistique, danseur, entrepreneur
La première fois que j’ai croisé les Associés Crew, c’était au pied du Grand Théâtre de Bordeaux en mai 2018, un soir de déambulation mémorielle à propos de l’esclavage. La troupe était en format réduit. De la technique, de l’esthétique, de la puissance : elle en avait, beaucoup. Et puis de l’instinct, de l’écoute, de l’amour. Ce combo que l’on recherche pour vibrer et s’élever : il était là, au sol et dans les airs de ce moment spécial. Je me suis mise à suivre La Meute et son bêta, le chorégraphe en tête de compagnie, celui qui donne le top de départ puis se fond dans le groupe. Simple, juste et efficace.
Babacar Cissé, directeur artistique et profond humaniste. Un jour, je l’ai vu se mouvoir en hip hop sur un miroir d’eau. Et j’ai compris ce que cet oiseau avait de si particulier : il prend la lumière, se l’approprie et la redistribue avec une poésie du corps fascinante. Il garde l’émotion dans la vitesse. Il embrasse le paysage de son corps, investit l’espace, se joue de l’apesanteur, brouille nos repères, multiplie les appuis. Transmission vissée au cœur -la dernière danse du monarque, solo 2022, est une création en collaboration avec la grande Germaine Acogny : « Je m’appelle Bouba. Au début de l’été, le papillon monarque doit migrer vers un lieu plus favorable à sa survie. Il lui faut quatre générations pour parcourir cette distance. Quatre papillons. Je suis né en France, et je suis le troisième papillon. Avec La dernière danse du monarque, je veux comprendre d’où je viens pour que ma fille sache où elle va. Je n’ai pas choisi de parler au cœur des gens avec mon corps, mes mouvements. C’est la danse qui m’a choisi. »
C’est même le monde de la danse qui l’a choisi. L’artiste associé au festival Right about Now d’Amsterdam ou au théâtre du Figuier blanc à Argenteuil est aussi l’organisateur du championnat de France de Breakdance 2022, Jury fédéral pour la Fédération française de danse aux Jeux olympiques, juge international pour la World Dance Sport Federation (WDSF Breaking lvl A Judge)… Ses « Petites rencontres », dispositifs de création de temps court entre artistes pluridisciplinaires, explorent tous azimut depuis 2019 : la rencontre entre le traitement informatique produisant la matière musicale et les mouvements de danseurs avec Orchestre 2.0, « La femme objet, la femme battue » qui croise texte, danse et théâtre dans une saisissante Symphonie pour douze mains en coups majeurs, ou bien L’Instant de danse dans le désert de Mauritanie…
En tant que formateur dans des lieux tels que le Centre National de la Danse, les conservatoires, ou les écoles associatives, Babacar Cissé partage avec passion son expertise et son savoir-faire avec toutes les générations de danseurs, contribuant ainsi à façonner l’avenir de la discipline. Son dévouement à l’art de la chorégraphie et sa capacité à transcender les frontières artistiques en font une figure emblématique et respectée de la scène artistique internationale. Bouba s’intéresse aussi au parcours des émotions, de l’acte créateur au public, et crée des conférences inédites sur la pensée et la créativité. Entrepreneur, il a donné vie aux rêves de son grand-père et de son père en créant une exploitation agricole et une unité de transformation à Dertady au Sénégal. Sous-jacents, la construction d’une école dédiée au numérique et d’un centre culturel… Autant à l’aise sur la scène d’un opéra de l’autre bout du monde ou dans des figures hip hop sur la glace d’une patinoire, Bouba transpose les récits intimes de nos vies et nous met face à notre humanité, au-delà des identités, au-delà du relatif et toujours dans l’absolu. C’est cela que nous voulons aller chercher avec lui. L’absolu.
Laurence Haxaire, productrice
Back to the roots, création 2025 pour le Théâtre du Châtelet avec Bouba Cissé, Robert Modestine et Yanice Lavaly